« La Physique, c’est vraiment compliqué, je n’y comprends rien ». J’ai souvent entendu cette affirmation. La façon dont cette discipline est enseignée à l’école, en est-elle la cause ou est-ce la tendance naturelle de notre cerveau à chercher satisfaction dans ce qui demande le moins d’effort ?
La Physique demande un effort, mais après cet effort, c’est le réconfort assuré. Le plaisir de la Physique ne réside pas dans les satisfactions immédiates liées aux nécessités vitales, mais dans l’approche du monde par l’exercice de la raison, sans céder aux sirènes des gourous de toute nature. Obéir aux lois de la Physique est une nécessité, autant le faire consciemment. Vivre en Physicien procure le plaisir suprême que toute forme d’épicurisme ne peut que renforcer. Et sans l’approche physique, toute philosophie me paraît vaine.
Mes arguments sont les suivants.
- Notre corps est un système physique évoluant dans un environnement physique. Que nous ne le voulions ou pas, la loi de la gravitation universelle, se traduisant au quotidien par la pesanteur qui nous relie à la Terre, s’applique à tous.
- Nous échangeons avec nos semblables et avec le milieu environnant au moyen d’ondes : le son, la lumière.
- Toute notre existence est organisée autour des concepts d’énergie, d’espace, de temps, ces concepts fondamentaux de la physique dont nous avons une connaissance intuitive, mais qu’il serait vain de définir par d’autres mots.
On peut s’en tenir à ces constatations ou essayer d’aller plus loin, incité par notre besoin d’agir et de comprendre. Laissons de côté la trajectoire de l’Ingénieur ou du Technicien qui de toute évidence doit payer un lourd tribut à l’étude des lois physiques. Qu’en est-il des Autres, tous les Autres.
Commençons la recherche du « bien-être » et/ou de la « sagesse ». Cette recherche ne peut pas faire abstraction de la Physique. Bien des disciplines dites orientales, mais aujourd’hui mondialisées, comme le yoga, n’incluent-elles pas un ensemble d’exercices physiques visant une baisse des « tensions » (encore de la physique) indispensable à la sérénité de l’ « esprit », et donc du bien-être ?
Et puis il y a la discipline suprême, la « philosophie ». Une grande partie de l’histoire de la pensée humaine se cache derrière ce concept. Limitée pendant l’antiquité et les siècles qui ont suivi à une minorité libérée des contingences matérielles, la « philosophie » devrait être l’apanage de tous. On devrait être initié dès le plus jeune âge, à « vivre en Philosophe » …. et c’est le complément de l’attitude physicienne. Toute Philosophie qui ne s’appuierait pas sur la réalité physique n’est que chimère.
Quelques POSTULATS pour une « attitude physicienne » (une vision personnelle susceptible d’évoluer).
- L’Univers est UN et ÉTERNEL.
- Nous ne pourrons pas accéder à la RÉALITÉ ultime ; notre représentation de cette réalité, restera toujours partielle et la vie telle que nous la connaissons aura disparu de ce coin de l’Univers avant qu’on ait pu toucher/imaginer la réalité « ultime ».
- Nous ne pouvons pas non plus exprimer cette RÉALITÉ ultime car nos sens et notre imagination, notre langage sont limités. Pour nos sens, c’est évident ; nos instruments nous ont permis d’aller plus loin et interagir avec l’univers en utilisant des formes d’énergie que nous pouvons seulement imaginer.
- Il est illusoire d’espérer pouvoir décrire le monde « réel » avec des mots uniquement. Nous le faisons parce que nous n’avons pas le choix. Les termes qu’utilisent les Physiciens peuvent-ils vraiment nous aider ? Un peu, mais avec des limites vite atteintes ….
- Avec la Physique Quantique. Un changement de paradigme s’est produit dans les années 20 du 20ème siècle. L’attitude « non réaliste » s’est répandue dans le monde des Physiciens avec l’avènement de la Physique quantique : l’intuition basée sur l’observation à l’échelle macroscopique ne nous était plus d’aucune aide pour la description du monde microscopique, à l’échelle des constituants élémentaires de la matière. J’inclus dans la liste des POSTULATS, l’acceptation de cette attitude, même si le grand Albert lui-même n’y a pas été favorable.
- Les modèles et théories actuelles sont incomplètes …. et le resteront. Cela a toujours été le cas et je ne vois pas pourquoi nous aurions atteint un niveau où tout serait expliqué. Au début du 20ème siècle déjà, l’idée qu’il ne restait plus grand-chose à découvrir faisait son chemin … puis est arrivé Albert Einstein …. Aujourd’hui il y une tendance à l’autre extrême : l’idée que la matière et l’énergie connue ( !) ne serait qu’une faible partie de l’univers, semble partagée par beaucoup … matière noire et énergie sombre sont recherchées par les plus audacieux, une façon de repousser l’horizon de la connaissance au niveau le plus fondamental. Élucubrations de théoriciens (un peu trop, me semble-t-il) détachés de la réalité ? Revisiter les idées d’Einstein et d’autres autour de la non constance de la « constante cosmologique » suffit pour expliquer les fameuses observations des étoiles qui tournent trop vite dans leurs galaxies respectives , dixit la physique actuelle …. Le « mystique » n’est jamais très loin du « physique », qui se prétend non « métaphysique » …
A une échelle plus modeste, au sein des matériaux de notre quotidien, les problèmes non résolus sont innombrables, mais trop complexes pour nos adeptes de la matière noire … Sans même évoquer le comportement d’un paquet moléculaire, pas plus grand qu’un centième de micron, nommé SARS-CoV-2, qui met à genoux l’humanité toute entière en ce début de 2020 ….
- Un autre POSTULAT : être Physicien c’est aussi pratiquer la « philosophie », c’est-à-dire ne pas hésiter à revenir régulièrement sur les grandes questions existentielles, en se penchant en particulier sur les idées développées par les grands penseurs qui ont laissé des traces et les mettre en pratique dans le quotidien..
- Être Physicien au 20ème siècle c’est considérer avec circonspection les idées et ouvrages des penseurs du passé qui ont accordé si peu d’importance à la dimension globale de l’humain. Toute idée, attitude ou système de pensée qui laisserait de côté l’approche « féminine », me paraît indigne d’intérêt. L’histoire des idées est une « préhistoire » jusqu’au 20ème siècle, pour avoir ignoré l’apport des femmes. Je considère que la différenciation physiologique que la « nature » a bricolé pour assurer la reproduction, ne doit pas être le prétexte d’une quelconque discrimination. Tout être humain a une part de masculin et de féminin. L’évolution va-t-elle vers une disparition de la très injuste domination masculine? L’observation du monde ne permet pas de l’affirmer.
- Last but not least : vivre en Physicien c’est aussi pratiquer « l’exercice corporel ». Rien de tel pour mettre de l’ordre dans ses pensées, qu’une randonnée dans la nature.