2-Le mystère du photon

Qu’est-ce que le PHOTON ?

A un membre de mon jury d’Habilitation, éminent spécialiste de l’optique proche de la retraite, j’avais demandé s’il y avait encore des choses à découvrir sur la lumière ; après Maxwell, Planck, Einstein et tous les Physiciens du quantique, que pouvait-on encore dire ? La réponse qu’il me fit me laissa dubitatif : on ne sait toujours pas ce qu’est un photon

Emporté par la suite par le maelström des contraintes de la vie d’enseignant-chercheur, entraîné par l’injonction bien connue du « publish or perish », je n’ai plus eu le temps d’y réfléchir, d’autant plus que les flux de photons sortant des lasers que j’utilisais, se comportaient sans ambiguïté comme une onde et pouvaient être décrits en tant que telle, sans grande difficulté conceptuelle. 

Un début de réflexion initiée au début d’un éméritat de deux ans, trop rapidement ponctué par une succession de voyages et de randonnées, puis ralentie par un confinement imposé par une crise sanitaire, m’amène au constat personnel, que :

  • le photon, tel qu’il est décrit le plus souvent et tel que je l’imaginais à partir des descriptions en général utilisées, n’existe pas.  De plus le terme d’onde qu’on utilise couramment pour dire ce qu’est la lumière, ne me paraît pas approprié non plus. On peut dire en effet que la lumière est une onde comme on peut dire que le son est une onde, les deux étant très différents. Mais qu’est-ce que la lumière, et à quoi correspond l’entité appelée « photon » ?

Pour répondre à la question, si on n’a pas passé plusieurs décennies à enseigner la photonique à des élèves ingénieurs, on commence par regarder l’article « photon » de l’encyclopédie en ligne wikipedia, et si on assez de temps on peut lire quelques ouvrages comme par exemple l’ouvrage de référence sur la mécanique quantique de C. Cohen-Tannoudji, B. Diu et FL Laloë.

Histoire de la lumière et du photon

L’essentiel est dit dans l’article [Photon] de wikipedia ;  ce qui n’empêche de prolonger le plaisir par la lecture d’ouvrages comme :
Histoire de la lumière de Bernard Maitte
Traité de la lumière de L. Zuppiroli, M-N Bussac et C. Grimm.
Résumons en quelques lignes les réflexions sur la lumière, cette chose évidente pour tous sauf pour les Physiciens.

On trouve quelques élucubrations dans l’antiquité, puis pas grand chose jusqu’ à Alhazen (965-1040).
Les choses sérieuses commencent au 17éme siècle avec Newton, la lumière est un flux de particules. Cette idée est contestée plus tard par plusieurs physiciens ( Huyghens, Fresnel …) pour lesquels il s’agit d’une onde.

La bataille onde/corpuscule n’a pas cessé depuis. On pensait la question réglée jusqu’à ce que Planck a sa géniale intuition en proposant en 1901 une constante en faisant l’hypothèse que  l’énergie rayonnante émise ou absorbée par la matière ne se fait que par paquets d’une quantité discrète en relation avec la fréquence du rayonnement

Einstein utilise l’idée et donne une explication de l’effet photoélectrique sur la base sur cette hypothèse (ce qui lui valut son unique prix Nobel)

Lewis G. Newton donne en 1926 le nom de photon au quantum de lumière identifié par Einstein.

La bataille Ondes/Corpuscules continue jusqu’à ce qu’on décide enfin de ne pas choisir : la lumière est onde et particule, elle a une double nature et il faut vivre avec cette apparente contradiction.

Nature de la lumière et du photon

La lumière est l’une des nombreuses formes que prend l’ÉNERGIE ; c’est l’énergie portée par des oscillations de champs électrique et magnétique, qu’on peut considérer comme une entité unique, le CHAMP ÉLECTRO-MAGNÉTIQUE. Ces oscillations se transmettent de part en part sous forme d’ondes.

Les oscillations du champ sont produites par des oscillations de particules matière ayant une CHARGE ÉLECTRIQUE électron ou proton.  Dans la majorité des phénomènes observés dans notre environnement, ce sont les oscillations électroniques qui sont à la source des phénomènes lumineux. L’orientation de la direction de variation du champ détermine la direction de propagation de l’énergie de la perturbation produite. La direction suivant laquelle se produit les variations de champ électrique, constitue la polarisation de l’onde.

La lumière qui nous est familière est celle qui est visible, mais cette lumière là est une toute petite partie de la grande famille des ondes électro-magnétiques qui nous sont pour la plupart invisibles et que nous avons mis en évidence que dans un passé récent. Qu’est-ce donc en réalité que ce photon ? On peut dire que c’est une boule d’énergie en mouvement ondulatoire. Ce qui oscille c’est une combinaison de champ électrique et de champ magnétique. Cette boule d’énergie se déplace à une vitesse définie par les propriétés électriques et magnétiques du milieu. Si le milieu est vide de matière cette vitesse est égale à 300 000 km/s. Dans les situations où la représentation corpusculaire convient, on fait abstraction d’une étendue spatiale, on pense à un « petit grain » aux dimensions négligeables, et donc on décrit la trajectoire suivie par la particule.

Propriétés du photon

Le photon est le quantum élémentaire de rayonnement. Les ouvrages d’optique nous disent que le photon se caractérise par un ensemble de propriétés. Certaines peuvent être associées à son caractère corpusculaire. Ce sont :
– l’énergie,
– la vitesse de déplacement, 299 792 458 m/s
– la quantité de mouvement
– la trajectoire.

D’autres sont associées à son caractère ondulatoire :
– la fréquence et la longueur d’onde.

Une autre proprité apparaît dans les interactions, c’est le spin, qui se manifeste dans les interactions élémentaires avec la matière mais plus difficile à se représenter à l’échelle macroscopique. 

Représentation du photon

Comment se représenter cette petite boule d’énergie qui prend des allures d’onde. La représentation que j’avais tendance à donner, lors des rares occasions où j’en avais besoin est celle d’un paquet d’onde, donc trés limité dans l’espace, telle que  vu ci-après

On devine l’oscillation mais la représentation dans un plan n’est vraiment pas satisfaisante. Par la magie de Google, j’ai trouvé sur une page de l’Université de Mariland, une représentation dite artistique, qui me satisfait plus, car on devine bien l’étendue spatiale dans laquelle quelque chose oscille et ceci dans toutes les directions; bravo l’artiste.

En attendant mieux donc prenons cette représentation.

Interaction

Mais allons plus loin, et faisons le interagir avec « quelque chose ». Pour cela il faut dire dans quoi il se trouve et on tombe alors sur le problème qui dure depuis l’antiquité : de quoi est fait notre monde?  Pour Lucrèce (1er siècle avant notre ère) la nature est constituée de vide et d’atomes (entités insécables). Les atomes sont pleins et éternels. Notre représentation du monde a progressé depuis, mais le mystère demeure.
De l’espace vide donc, mais l’espace est-il vraiment vide quand on a « tout » enlevé, « tout » faisant référence à la matière. Jusqu’au début du 20ème siècle, nous n’arrivions pas à imaginer que l’espace vide soit vraiment vide, il fallait bien un milieu pour que des ondes lumineuses en particulier puisse se propager, on a appelé éther ce milieu. Puis est venue la physique quantique avec les concepts de particules virtuelles qui peuvent jaillir du vide, pour y retourner aussitôt, ou pour former les particules de matière que nous connaissons aujourd’hui. Il nous faut donc faire de la physique avec du vide, mais un « vide quantique« , un peu moins vide donc que celui de l’antiquité grecque.

L’immense majorité des scientifiques et ingénieurs peut se contenter d’un modèle semi-classique pour décrire l’interaction entre rayonnement et matière, pour l’essentiel entre électrons et photons. Et la physique du laser, même si le laser est avant tout un dispositif quantique, peut être présentée sous une forme assez intuitive avec un formalisme semi-classique, dans lequel la matière est quantifiée, mais le champ électromagnétique et les ondes qui s’y propagent, restent classiques c’est-à-dire continus. C’est l’échange d’énergie qui est discrète, ce caractère discret étant imposé par la matière. Pour l’absorption et l’émission stimulée de rayonnement, cela ne pose pas de problème. C’est l’émission spontanée de lumière par les atomes qui pose problème : une forme d’interaction avec le « vide » est nécessaire.

La situation élémentaire que nous devons considérer est donc la suivante. Nous avons un atome. Il s’agit pour la configuration la plus simple d’un atome d’hydrogène, c’est-à-dire d’un proton avec sa charge positive, lié à un électron, de charge opposée. Si l’atome est « excité », c’est-à-dire qu’il n’occupe pas le niveau le plus bas des énergies qu’il peut avoir, il finit par revenir à son état fondamental en émettant un photon, ceci se produisant sans interaction avec quoique ce soit d’autre, d’où le nom d’émission spontanée. Le formalisme de la physique quantique prévoit qu’il faut quelque chose pour que l’événement se produise, sinon l’atome resterait éternellement avec son énergie.